Anticiper la fiscalité de la vente de fonds
Anticiper la fiscalité de la vente de fonds de commerce.
- Côté vendeur : imposition des plus-values
Pour connaître la fiscalité appliquée lors de la vente d’un fonds de commerce, il est important de savoir s’il s’agit d’une société soumise à l’impôt sur les sociétés ou d’une entreprise individuelle soumise à l’impôt sur le revenu. Entre les deux il existe des formes de sociétés qui ne sont pas soumises à l’impôt sur les sociétés et qui relèvent de l’impôt sur le revenu, dans lesquelles le ou les associés payent l’impôt sur le revenu sur les bénéfices de la société. Elles sont assimilées aux entreprises individuelles soumises à l’impôt sur le revenu.
Doit commun
Entreprise soumise à l’impôt sur les sociétés (IS). Les choses sont relativement simples car la plus-value sur la vente du fonds de commerce sera intégralement traitée à l’impôt sur les sociétés et notamment la distinction entre les plus-values à court terme et à long terme ne présente pas d’intérêt.
Cf tableau 1.
Lors de la vente d’un fonds de commerce on ne vend que des éléments d’actifs. Il n’y a pas de passif attaché aux éléments vendus. Ce que l’on appelle vente du fonds de commerce comprend :
- des éléments corporels que sont les agencements, le mobilier, les installations, les outils, les véhicules. Ce sont des éléments amortissables qui ont une valeur brute (prix d’achat). Des amortissements ont été pratiqués depuis leur acquisition. Le jour où l’exploitant vend, ils ont une valeur nette comptable correspondant au prix d’achat diminué des amortissements pratiqués depuis l’acquisition. La plus-value sera égale à la différence entre le prix de vente et la valeur nette comptable.
- des éléments incorporels, tels que l’enseigne, le nom commercial, la clientèle, le droit au bail, les outils numériques, le fichier client. Sur ces éléments non amortissables, la plus-value correspond au prix de vente moins la valeur comptable de ces éléments qui correspond à leur prix d’acquisition. Dans le cas de la création d’un fonds de commerce, dans le bilan de l’entreprise le prix de leur acquisition est égal à 0 et donc la plus-value c’est la totalité du prix de vente affecté à ces éléments incorporels du fonds de commerce.
La plus-value étant ainsi définie, pour les entreprises soumises à l’IS on ne fera pas la distinction entre court et long terme, la totalité de la plus-value sera imposée. La cession des éléments d’actifs fait partie des produits exceptionnels et détermine le résultat exceptionnel. En 2021, sous réserve de modifications des dispositions fiscales, l’IS est à 15 % jusqu’à 38 120 € pour la première tranche et au-delà de 38 120 € le taux est de 26,5 %. Il devrait être porté à 25 % en 2022.
Entreprises soumises à l’impôt sur le revenu (IR). La distinction entre les plus-values à long et à court terme pour ces entreprises est importante puisqu’on a une différence de traitement fiscal. Quand on est propriétaire des éléments cédés depuis moins de deux ans on est en plus-value à court terme pour la totalité.
Quand on est propriétaire du fonds de commerce cédé depuis plus de deux ans, on fera une distinction entre les éléments non-amortissables (éléments incorporels) du fonds de commerce où on sera en plus-value à long terme. Alors que sur les immobilisations amortissables (éléments corporels) du fonds de commerce vendu, on fera une distinction :
- à hauteur des amortissements qui ont été pratiqués depuis l’acquisition de ces immobilisations, on sera à court terme, comme s’il y avait une réintégration dans les résultats de l’entreprise des amortissements qui ont été déduits aux cours des années précédentes ;
- et à long terme sur la partie qui excède ces amortissements.
Ainsi, sur les plus-values à court terme vont s’ajouter les autres résultats de l’entreprise et elles subiront le barème progressif de l’IR plus les prélèvements sociaux, dont le total représente 17,2 %.
Alors que sur les plus-values à long terme, le montant prélevé sera composé de l’IR forfaitaire de 12,8 % auquel on ajoute les 17,2 % de prélèvements sociaux, ce qui représente 30 %.
Pour l’immobilier, les murs
Pour les entreprises à l’IS, si la société est propriétaire du fonds et des murs et qu’elle vend les deux en même temps, on retrouve sur l’immobilier, le même traitement fiscal que sur le fonds de commerce. Sauf que sur l’immobilier, la plus-value est calculée sur la différence entre le prix de vente de l’immeuble et sa valeur nette comptable (qui correspond au prix du terrain qui n’a pas été amorti c’est un élément corporel non-amortissable) et les constructions (qui elles ont été amorties pendant leur durée de détention).
Il peut y avoir le même mécanisme pour l’entreprise soumise à l’IR, notamment pour l’entreprise individuelle où il y a la règle de l’inscription à l’actif. C’est-à-dire que si on a inscrit à l’actif de l’entreprise individuelle l’immeuble dans lequel est exploité le fonds, dans ce cas cette règle est vraie. Si l’immeuble n’a pas été inscrit à l’actif de l’entreprise, ça veut dire que l’exploitant l’a conservé dans son patrimoine privé et à ce moment-là, la plus-value réalisée sur cet immeuble sera traitée fiscalement sous le régime des plus-values immobilière des particuliers et non pas des plus-values professionnelles.
Tout cela ce sont les règles de droit commun d’imposition de plus-values. En la matière, il existe des régimes d’exonérations totales ou partielles de ces plus-values.
Les exonérations (tableau 2 pages)
En matière d’exonération des plus-values, les sociétés soumises à l’IS ont peu de questions à se poser puisqu’il n’y a qu’un seul régime d’exonération, c’est l’article 238 quindecies du Code général des impôts.
Ce régime est lié à une condition : le prix de vente du fonds de commerce. Si le prix du fonds de commerce se situe en-dessous de 300 000 euros, il est exonéré totalement de plus-value.
Si le prix de vente est supérieur à 500 000 euros, aucune exonération n’est possible. Entre 300 000 et 500 000 euros, il y a une exonération partielle dégressive. Il y a également un certain nombre de conditions à remplir, notamment la condition d’exploitation pendant 5 ans préalablement à la cession.
Attention : si le commerce a été mis en location-gérance. Ce régime fait perdre le bénéfice d’exonération. Sauf si le fonds de commerce a été exploité pendant cinq ans avant d’être mis en location-gérance. Dans ce cas, on bénéficie de l’exonération.
En revanche, pour l’entreprise soumise à l’impôt sur le revenu il existe trois régimes d’exonération.
On retrouve le régime de l’article 238 quindicies lié au montant du prix de vente.
L’article 151 septies qui est lié à la taille de l’entreprise individuelle et donc au montant des recettes jusqu’à la vente. Il faut pour cela que les recettes soient inférieures à un certain seuil.
L’article 151 septies A est lié au départ en retraite de l’exploitant.
- Fiscalité côté acquéreur : droits de mutation
Tableau 3
C'est le sujet essentiel pour l'acquéreur. Le prix de vente du fonds de commerce, dans le cadre de la question de la fiscalité, c'est la somme des éléments corporels et incorporels du fonds de commerce vendu hors stock.
Le barème de ces droits de mutation que doit acquitter l'acquéreur du fonds de commerce figure sur le tableau. Jusqu'à 23 000 € sur le prix du fonds de commerce, il n'y a pas de taxe. Ensuite, pour faire simple il faut retenir que la tranche du prix de vente comprise entre 23 000 et 200 000 € sera taxée à 3 % et que la tranche au-delà de 200 000 € sera taxée à 5 %.
Il existe deux régimes de faveur
Le premier est lié au lieu d'exploitation du fonds de commerce. Si le fonds de commerce se situe dans un secteur géographique, telles que les zones franches urbaines (ZFU) et les zones de revitalisation rurales (ZRR), il y a une réduction des taux applicable sur le prix de vente du fonds de commerce. Jusqu'à 23 000 € ce sera toujours 0 %, entre 23 000 et 107 000 € le taux sera de 1 %, entre 107 000 et 200 000 € il sera de 3 % et au-delà de 200 000 € il sera de 5 %.
Dans le cas de la vente à un salarié. Cette solution permet d'avoir un abattement sur le prix du fonds de commerce pour le calcul de ces droits de 300 000 €. Si le prix de vente est inférieur à 300.000 €, il n’y a pas de droit de mutation pour l'acheteur. Au-delà on retrouve le barème soit de droit commun, soit si le fonds se situe en ZFU ou en ZRR avec la réduction des taux sur la seconde tranche.
- Pour le vendeur et l'acquéreur
La TVA (tableau)
Notamment la TVA sur les immobilisations, (le matériel, le mobilier, les agencements, les installations et éventuellement les véhicules). Ce qu'il faut comprendre, c'est que lors de l’achat de matériel, de mobilier pour votre établissement vous avez payé de la TVA à votre fournisseur que vous avez récupérée par déduction sur la TVA exigible. Mais, il faut savoir qu'en matière d'immobilisation, il y a deux conditions pour récupérer la TVA : il faut que les immobilisations achetées soient affectées à une activité soumise à la TVA et qu'elles le soient de manière durable (au minimum cinq ans). Si les immobilisations sortent durant ce délai, il faudra restituer au Trésor public le montant de la TVA récupéré lors de l'acquisition de ces immobilisations au prorata de la durée qui restait à courir sur cet engagement.
Quand on vend un fonds de commerce, on est soumis à un régime particulier puisque ces immobilisations font partie du fonds de commerce vendu soumis aux droits de mutation et non à la TVA. Théoriquement, il faudrait restituer au Trésor public la TVA initialement déduite sur ces immobilisations acquises depuis moins de cinq ans. Mais, il existe une dérogation à cette obligation qui s'appelle la cession d’universalité (art 257 bis). Dans ce cas précis, la loi fiscale dispense de la régularisation parce que ces immobilisations sont comprises dans le fonds de commerce. Mais l'acquéreur du fonds de commerce reprend l'engagement du vendeur pour la durée qui reste à courir.
Les acquéreurs doivent être vigilants sur ce point, notamment en hôtellerie avec le mobilier des chambres.
La solidarité fiscale (art 1684) (tableau)
Ce point concerne malgré tout plus le vendeur que l'acquéreur. Il faut savoir que dans la vente d'un fonds de commerce, il y a une solidarité de l'acheteur par rapport aux dettes du vendeur. Il s'agit du séquestre du prix de vente. Le vendeur sait qu’il devra attendre plusieurs semaines voire plusieurs mois après la signature pour toucher le prix de vente. Ceci est lié au fait que la loi, à la fois d'un point de vue strictement juridique, et la loi fiscale, au regard des dettes fiscales du vendeur, ont organisé un mécanisme de solidarité. C'est-à-dire que l'acquéreur doit garantir aux créanciers du vendeur qu'ils seront désintéressés sur le prix de vente du fonds de commerce. En effet, si on n'organise pas le séquestre du prix de vente du fonds de commerce pour garantir le paiement des créanciers du vendeur, et que l'acheteur paie directement au vendeur tout ou partie du prix du fonds de commerce, il s'expose aux risques que les créanciers du vendeur non payés viennent lui réclamer ce paiement. L'acheteur est donc solidaire du paiement des dettes du vendeur jusqu’à concurrence du prix du fonds de commerce.
L'acquéreur est également solidaire du paiement des impôts directs : impôt sur le revenu, impôt sur les sociétés éventuellement, jusqu'à concurrence du prix de vente du fonds de commerce.
Sur ce sujet, l'administration fiscale a des droits plus importants. Les autres créanciers du vendeur ont une durée limitée (environ deux mois après l'acte de vente) pour se faire connaitre et réclamer leur paiement auprès du séquestre du prix de vente. Le délai de l'administration fiscale est plus long et équivaut à cinq mois et demi. Durant tout ce temps, le prix de vente du fonds de commerce est conservé pour payer les créanciers et les impôts du vendeur. Ce n'est qu'à l'expiration de ce délai que le vendeur pourra toucher son prix de vente.
Comment raccourcir ce délai ?
Le vendeur avec son expert-comptable doit agir rapidement pour faire sa déclaration de résultats liée à la vente du fonds de commerce, liquider les éventuels impôts qui seraient dus et obtienne de la part de l'administration un certificat de position fiscale qui indiquera si le vendeur est à jour ou non de ses impositions, ce qui permet de payer l'administration et de mettre fin a ce délai de solidarité fiscale.